• balade dans les mémoire d'un vieil interne.......(suite)

     

    une heure du matin.

    De garde au PU.

    une nuit comme les autres.

    des brancards avec des malades allongés dedans, de partout. 

    on nous fait "entrer" une nouvelle urgence.

    Mme X, probable méningite fulminante chez une patiente atteinte d'une SEP (scléros en plaque) évolutive.

    Elle passe bien entendu en priorité sur d'autres. 

    Ponction lombaire: liquide céphalo rachidien purulent. 

    Sans attendre l'analyse du labo (on se doute bien, devant une ponction pareille, qu'il y a infection des méninges) on débute l'antibiothérapie en IV, toutes les heures, à haute dose.

    L'hypovolèmie nécessite un remplissage pour éviter la défaillance du système cardio vasculaire.

    on remplit.....

    l'évolution sera, hélas, péjorative.

    d'un état pré-comateux à l'entrée, malgré la prise en charge rapide, le cerveau va subir un oédème.

    aux urgences, on revoit les patients tout le temps. on ré-examine systématiquement tous les malades aussi souvent que possible, tant qu'ils ne sont pas stabilisés, et même, on s'oblige à revoir les malades aussi souvent que possible (enfin "je" m'obligeais, tout comme mon co-interne, car nous étions sans doute, pour le bonheur des malades, aussi obsessionnels que compétents.)

    les signes d'oedème cérébral sont évidents, je réveille le radiologue de garde pour un scanner en urgence. 

    nous sommes en pleine nuit, le service est plein à craquer. Que dis je "craquer", on déborde en réalité!

    et le radiologue ne dort pas. il tourne d'un hôpital à l'autre pour réaliser les bilans qu'on lui demande.

    je me souvient encore accompagner la malade moi même dans les couloirs, avec l'aide de mon co-interne pour brancarder jusqu'à la radiologie.

    on passe le scanner. mon co interne remonte s'occuper des nouveaux malades qui déboulent.

    je reste au chevet de ma malade

    le diagnostic est confirmé: oedème cérébral et engagement. pronostic TRES péjoratif.

    j'avais déjà branché un anti oedémateux, quitte à l'arrêter si le scanner infirmait mon diagnostic.

    Je le laisse passer, bien entendu.

    je remonte, tout en brancardant la patiente, avec l'aide du radiologue.

    mon "sénior" supervise mon travail. "très bien , pti gars, tu fait ce qu'il faut" me lâche t til en continuant la visite des autres chevets (je devrais dire des autres brancarts)

    de nouveaux malades arrivent par moult ambulances; 

    le service est plein à craquer

    cette nuit là, pas plus que d'habitude, nous ne dormons pas, mon co -interne et moi même.

    il nous faut surveiller les éthyliques qui cuvent

    il nous faut accueuillir les nouveaux

    continuer à hierarchiser les malades

    comprimer une artère, réduire une fracture, gèrer une acidocétose diabétique, stabiliser une hypertension maligne, etc....

    rassurer les familles ou l'entourage, donner des nouvelles, éviter les coups d'un malade en proie à un délire aigû, etc...

    sans parler de délinquants qui envahissent le service pour voler des produits stupéfiants......

    mais revenons à Mme X: elle fera un sepsis vers 3 heures du matin, malgré l'antibiothérapie. et se compliquera de choc septique très rapidement. toutes les mesures possibles alors, je vais les prendre.

    je fait un nouveau rapport à mon sénior, lui priant de me donner une solution "miracle" pour améliorer la malade. 

    "tu as fait tout ce que tu peux" me lâchera t il laconiquement....

    nous en sommes à un point où nous arrivons à maintenir en vie artificielle un corps -hélas- en proie à la purulence généralisée.

    la suite, vous la connaissez sans doute......

    Mme X sera maintenu en vie artificielle grâce à nos "compétences", et la famille de la patiente aura assez de compassion pour la malade afin de ne pas nous laisser nous acharner.

    vous l'aurez compris, le cerveau s'abcèdera, et même si nous aurions réussi à "stériliser" le foyer, Mme X était condamnée à une infirmité cérébro motrice pire que ce que la SEP lui avait déjà infligé.......

     

    je n'oublierai jamais cette nuit de garde.

    jamais

    et je n'oublierai sans doute jamais Mme X

     

     

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