• balade dans les mémoires d'un vieux médecin....

     

    18h30, les consultations se poursuivent au centre de santé, et les visites à domiciles ont étés faîtes du temps de midi

    candidement je me dis "dans une heure tu devrais avoir terminé ta journée, JP".....c'est l'hiver, la nuit est tombée depuis longtemps, nous sommes en pleine période de Noël.....

    la secrétaire m'appelle, il faut aller voir une patient assez rapidement à domicile.

    Motif?

    Hemorragie de fistule Artério-Veineuse.

    Il s'agit d'une patiente dyalisée depuis plusieurs années pour un problème d'insuffisance rénale. Je la connais. Elle me connaît aussi.

    Après quelques consignes de bon sens transmises par la secrétaire, je termine les consultations au centre, et je me met en chemin.

    Comme souvent , dans ces situations un peu "tordues", les patients ("en situation complexe" pour reprendre la formulation des technocrates de la santé) sont dans des vieilles bicoques, plus ou moins accessibles par les moyens habituels de transport.

    Je connais toutefois bien le coin, je sais qu'il faut positionner sa voiture d'une certaine manière pour être à l'abris d'un chien particulièrement béliqueux, appartenant au seul voisin du coin. Entre parenthèses, ce genre de situation a déjà été à l'origine de traumatismes entraînant arrêt de travail pour fractures à des professionnels de la santé allant soigner les gens chez eux......

    Bref, j'arrive au chevet de cette patiente.

    A mon arrivée, je la trouve toujours avec ce sourire, sereine, en pleine confiance dans mes capacités à règler son problème ce soir même.

    Comme je l'avais transmis au départ, elle a appliqué un pansement compressif sur sa fistule artério veineuse.

    Pour ceux/celles qui ne savent pas ce que c'est qu'une fistule artério-veineuse, je l'explique en deux mots: il s'agit d'une mise à disposition d'une voie vasculaire superficielle pour permettre les dialyses, au niveau de la face antérieure de l'avant-bras.

    Bref, je pose quelques questions à cette patiente, âgée, et qui ne parle le Français que partiellement, pour essayer de comprendre comment cette fistule s'est mise à saigner.

    j'arrive à comprendre qu'elle n'a pas eu de traumatisme particulier, mais qu'elle a eu une dialyse ce jour, et que, à la sortie de la dialyse, sa fistule n'arrêtait pas de saigner, mais que le service devait fermer et que "elle n'avait qu'à voir ça avec son médecin traitant", grosso modo.....

    L'hemorragie locale s'expliquait par une prise régulière d'anti-vitamine K, qui sont des médicaments anti coagulants, qu'on prescrit chez les personnes qui ont soit des troubles du rythme cardiaque, soit un passé de thromboses, d'AIT ou d'AVC, ou encore une maladie de la coagulation entraînant une hypercoagulabilité.

    Et Mme X, cette patiente, prenait des anticoagulants au long-cours.

    Je déroule les bandages, et enlève le pansement compressif qu'elle avait posé.

    La situation est tout de même compliquée, le saignement étant continu, la peau est celle d'une personne âgée, aussi fragile que du papier à cigarettes. Que faire?

    Il me reste une boîte de "stéri strip", j'y pense  en deuxième option, pendant que je tente tout simplement un pansement compressif local. Que nenni !! C'est bien connu, sur une hemorragie, il y a surtout deux options à tenter: primo le froid local (effet vasoconstricteur), deuxio "empiler" les pansements compressifs les uns sur les autres et comprimer. Les pro de l'urgence ont des sortes d'éponge avec "ceinture " intégrée pour "comprimer", préçisément. Pas le genre de matos qu'on a sur soi en médecine classique. Une bonne alternative est le Coalgan, une sorte de pansement hemostatique qui fonctionne très bien. Mais il faut en avoir sur soi.......

    Bref, les pansements compressifs en fonctionnent pas. Ils se gorgent de sang en moins de temps qu'il n'en faut pour le dire, et"glissent" sous les nouveaux pansement locaux. La patiente est plutôt mince, âgée, et avec une peau aussi délicate que la papier d'un "parchemin".

    Je sort ma boîte à "stéri strip", c'est notre dernière chance. L'avantage de ces "petit pansements" permet de se passer de points de suture sur certaines formes de plaies. Toutefois, on peut les utiliser dans d'autres troubles. Dans ce cas préçis, je pense à rapprocher les "berges" du point de percée de l'aiguille qui a servit pour la dialyse dans la fistule artério veineuse. Mais le problème reste inchangé car trop rapidement le strip se gorge de sang.......se décolle et fout le camp!

    "le meilleur pansement de la peau est la peau elle même". ce vieil adage médical me revient en tête, et je tente un truc : je replie la peau sur elle même, à l'endroit préçis du point d'hemorragie, et j'attends de voir. Je fais ça aux doigts, en douceur. Je suis déjà là depuis une heure. La patiente n'a aucun doute sur mes soins et me sourit gentiment. Je lui parle toutefois d'une éventualité de repartir à l'hôpital ce soir même pour colmater la brèche de manière plus efficace. Mais elle n'a aucune envie de repartir à l'hôpital. Elle y passe régulièrement trois à 4 jours par semaine depuis des années. On peut la comprendre.

    Mon truc a l'air de fonctionner. j'enlève doucement mes doigts, la peau elle même commence à fabriquer une barrière, mais c'est encore insuffisant et des gouttes de sang perlent, annonçant sans doute la reprise de l'hemorragie. Je tente alors de faire la même chose, mais cette fois en utilisant les strips, en les disposant en étoile. L'"étoile" a l'air de tenir, même si elle se colore en rouge, on le voit bien, mais rien de comparable avec l'inondation du départ. Je complète par un pansement compressif par dessus mon "étoile", et je reste encore une bonne heure pour être certain que mon système fonctionne bien. 

    Son époux me prépare une petite boisson, et je me rends à la cuisine pour partager ce petit moment de répit avec lui. Son épouse ne tarde pas à nous rejoindre. Elle commence à s'affairer à la cuisine. Je contrôle son pansement. Tout semble sous contrôle.

    Je donne quelques consignes, et le lendemain prend quelques nouvelles par téléphone. Tout a bien fonctionné. J'avais prévu aussi une prise de sang pour vérifier la zone de coagulation qui sert de barême pour savoir si le traitement fluidifiant au long cours est sur- ou sous-dosé. Tout est ok.

    je reverrai cette patiente à moult reprises dans le futur pour d'autres évènements de sa vie. A chaque fois, désormais, nous reparlons de ce fameux soir d'hiver..............

    Docoach

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